Dédramatiser l'indécision des jeunes

Avant d'envisager l'absence de projet professionnel comme quelque chose d'anormal et de regrettable, il serait plus juste de considérer l'indécision, l'incertitude, le questionnement, notamment lorsqu'on est au début de la vie adulte, comme choses normales, voire souhaitables pour assurer une saine évolution de la personne dans toutes ses dimensions : intérêts, préférences, motivations, besoins, aptitudes, aspirations, bref de son identité et de sa personnalité.

On sait que l'identité professionnelle ne peut s'appuyer ailleurs que sur un sentiment d'identité personnelle, qui, disons-le, ne peut pas être clairement défini sans une certaine expérience de soi dans divers contextes. Aussi, l'identité professionnelle se construit-elle petit à petit tout au cours de la formation et tout au cours de la vie professionnelle. C'est précisément quand cela ne se produit plus qu'on éprouve le besoin de changer d'orientation professionnelle. Si on évitait de juger les besoins de changement de cap comme la manifestation encore malheureuse d'un flottement d'idées, sous-tendant qu'on s'est trompé, il serait plus facile pour nos jeunes de faire des choix.

Il n'est tout simplement pas réaliste d'attendre de nos jeunes qu'ils soient en mesure de faire un choix stable et définitif d'un projet professionnel. Nous devrions plutôt, comme parents, enseignants, conseillers, viser à développer la capacité du jeune non pas à faire « le bon choix », mais à faire un choix signifiant pour lui au moment où il le fait ; à développer la capacité de se projeter dans un avenir rapproché, et non pas dans une profession dans laquelle il pourra être certain d'avoir envie de « faire ça toute sa vie ».

Il est primordial d'aider le jeune à dédramatiser l'indécision et le doute, de l'aider à développer la capacité de vivre avec l'incertitude, tout en s'engageant dans un projet par lequel il pourra construire un sentiment de continuité, voire d'identité. D'ailleurs, le marché du travail actuel ne peut nous garantir davantage de certitude. Alors mieux vaudrait apprendre à vivre avec.

Mireille Tesolin, Mireille Tesolin, conseillère en orientation et psychothérapeute
Texte initialement publié dans le quotidien Le Soleil de Québec, Canada, le 21 octobre 2002