Le sens du monde est-il l'amour ?

L'univers est-il sans pitié ou bien est-ce un foyer d'amour ? Il n'y a pas de solution moyenne. Il faut opter.

Tout me dit qu'il est sans pitié - des étoiles les plus lointaines jusqu'à cette foule qui s'agite dans la rue.

Qu'il soit un foyer d'amour, c'est ce que croient ces quelques vieilles clairsemées à la messe du matin. Ont-elles raison contre l'évidence des choses ? Et si elles avaient raison, comment ne le saurait-on pas ? Pourquoi l'amour - ce foyer d'amour - se cacherait-il ? L'amour n'a jamais supporté de rester caché : n'est-il pas élan, rayonnement, baiser ? Mais si l'univers est sans pitié, alors comment l'homme saurait- il, seul de tous les êtres, ce qu'est la pitié, comment devinerait-il ce qu'est l'amour, comment ferait-il parfois le geste incroyable du don et du sacrifice ?

Je contemple tour à tour les deux perspectives. Elles me coupent également le souffle.

Aussi terribles.

Aussi écrasantes.

Si l'univers est sans pitié, comment vivre, comment survivre dans cette machine ? Pour jouir de la vie ? Jouir !!

Et s'il est vraiment ce foyer d'amour dont ils parlent, alors je devrais en être brûlé, mon existence devrait en être brûlée, toute cette humanité depuis longtemps devrait en être brûlée.

Je regarde les vieilles dévotes immobiles dans la nef vide.

Et puis je me tourne vers la rue ou gronde un trafic brutal.

Gigantesque oscillation.

Je reviens à moi, au pays des compromis et des demi-mesures. J'invoque le réel comme s'il était un foyer d'amour et je m'y comporte comme s'il était sans pitié. D'un côté les oraisons et les paroles, de l'autre la pratique. Imposture, impardonnable mensonge !

Hélas ! Comment accorder ces deux morceaux de moi-même ? Comment choisir ? Comment même avoir envie de choisir lorsque l'option, quelle qu'elle soit, va nous bouleverser l'existence ?

Jean Onimus