Nous connaissons la vérité par le coeur

Nous connaissons la vérité, non seulement par la raison, mais encore par le coeur ; c'est de cette dernière sorte que nous connaissons les premiers principes, et c'est en vain que le raisonnement, qui n'y a point de part, essaye de les combattre. [...]

Nous savons que nous ne rêvons point ; quelque impuissance où nous soyons de le prouver par raison, cette impuissance ne conclut autre chose que la faiblesse de notre raison, mais non pas l'incertitude de toutes nos connaissances [...].

Car la connaissance des premiers principes, comme l'existence de l'espace, du temps, des mouvements, des nombres, est aussi ferme qu'aucune connaissance donnée par nos raisonnements. Et c'est sur ces connaissances du coeur et de l'instinct qu'il faut que la raison s'appuie, et qu'elle y fonde tout son discours. ([...] Les principes se sentent, les propositions se concluent ; et le tout avec certitude, quoique par différentes voies.) Et il est aussi inutile et ridicule que la raison demande au coeur des preuves de ses premiers principes, pour vouloir y consentir, que le coeur demandât à la raison un sentiment de toutes les propositions qu'elle démontre, pour vouloir les recevoir.

Cette impuissance ne doit donc servir qu'à humilier la raison, qui voudrait juger de tout, mais non pas à combattre notre certitude, comme s'il n'y avait que la raison capable de nous instruire.

Blaise Pascal, Pensées, pensée n° 282 Édition Brunschvicg

Voir "bonheur et vérité"