Usure des coeurs

On se fait la cour, on se fiance, on se marie, on nage dans le bonheur.
De petites fêlures apparaissent .On les néglige.
Elles grandissent, puis se stabilisent. On vit avec.
Un jour, un heurt stupide dévoile la fissure irréparable.
On se met d'accord pour la cacher. On la bouche n'importe comment.
Les contemporains qui semblaient indestructibles, s'évanouissent, un par un, dix par dix.
On se retrouve tous deux, séparés et proches.
On se fait souffrir pour se sentir encore vivre.
On se serre un peu pour avoir moins froid.
Trop tard. L'un des deux lâche la rampe.
L'autre reste là, vacant, désaffecté, remâchant ses torts et fabriquant ses remords.

Jacques de Bourbon Busset, Journal 1, NRF Éditions Gallimard